PROJET ARTISTIQUE
En décidant d’"adapter" au théâtre Le poids du monde, nous avons choisi de rester fidèle à l’esprit du "journal de notes". Notes initialement prévues par l’auteur pour nourrir son travail sur le théâtre, projet qu’il abandobnne assez vite dans le livre pour ne garder que l’essence et l’origine, génialement descriptive de la "note" à l’état pur.
Lors du festival "Mettre en scène", nous avons donc construit le spectacle au jour le jour, dans un temps donné (4 semaines de répétitions), en avançant quotidiennement dans le livre.
Un "journal de théâtre" pour six acteurs, une costumière et deux techniciens.
Nous avons fait le choix d’essayer scéniquement chaque note du journal, sans les choisir à l’avance, ce qui nous semble être fidèle à l’esprit de cette oeuvre. Ce qui était "dit", ce qui était "fait", ce qui était "pensé", ce qui n’était pas "scénique"...
Comment rendre palpable et concret l’indicible des comportements humains et la lourdeur qui se cache derrière l’apparente légèreté de notre vie quotidienne. La magnifique nuance entre le "poids" et la "misère" du monde. Il nous semblait important de ne pas privilégier tel ou tel moment du journal dans notre traitement, afin de laisser le sens ouvert aux spectateurs.
L’espace de jeu est un espace de surexposition, un long couloir, profond, des murs blancs qu iépousent les murs de la salle, un tapis de danse côté blanc au sol, un minimum d’objets, et la possibilité de créer différents lieux : en l’occurence un café, un hôpital, une gare, une maison, un supermarché, et ce que nous avons nommé la "pièce de théâtre inédite" de Peter Handke, regroupant toutes les premières notes du journal, où il transcende la réalité pour mieux la révéler, dans l’esprit de La chevauchée sur le lac de Constance et des autres pièces muettes de l’auteur. Une plaque de plexiglas en fond de scène, au départ de la loge des acteurs avec la costumière, "à vue". Lieu qui se transforme aussi avec les différents espaces et devient chambre à coucher, vestiaires d’un hôpital, fenêtre, véranda...
Les différentes heures de la journée, les saisons, les descriptions de la nature et de l’environnement ont été pour nous aussi un traitement important pour les lumières, les costumes et les différences de comportement que cela implique.
Nous avons également décidé de ne pas "incarner" celui qui regarde et écrit, pour laisser cette place-là aux spectateurs.
Choix qui a évidemment aiguillé notre "adaptation" : donner à voir ce que l’auteur a vu et décrit.
Guider le regard en quelque sorte.
Le journal implique aussi une forme de narration particulière, sans début ni fin. Lorsque les spectateurs rentrent, et durant toute leur installation, une actrice interprète cette note : "Une femme qui exécute un travail et essuie sans cesse ses larmes".
La fin reste également ouverte, les six acteurs dans l’anonymat d’une gare.
Cela continue...
PIerre Maillet.
Extrait P :
Je regarde quelque part et je sens qu’elle me regarde. Et en plus elle chantonne sans arrêt dans sa panique, et la peur qu’elle a de moi. Mon irritation vient seulement du fait que j’aime quelqu’un que je ne connais pas, et que je suis avec quelqu’un dont je ne suis pas amoureux et que je connais : vouloir donner un coup de pied à tout le monde. Ensuite, elle va se retirer, et des heures durant, elle va lire Astérix en compagnie de l’enfant parce que cela lui donne probablement un sentiment d’humanité en ma malfaisante présence. Maintenant elle se rend utile et donne des coups de marteau partout dans l’appartement. Vraiment je ne pourrais plus fourrer ma noble queue dans une telle femme !... (trad. G.-A. Godschmidt)
Reportage CANAL 9 TV Rennes